Changer l’entreprise pour changer le monde, Ép. 1
Parce que la croissance économique ne peut plus être l’unique priorité des professionnel.le.s de la créativité, dans le premier article de cette série, Sarah Patier, Lead Engagements Responsables, nous raconte comment TUX a revu sa mission, et finalement sa manière de faire des affaires.
Depuis les dix dernières années, le monde a changé, et très vite. Pensons aux 99 %, à #metoo, aux marches pour le climat, aux soulèvements qui ont suivi les décès de George Floyd et Joyce Echaquan, ou aux événements qui sont survenus lors de la vague #AsianHate pendant la pandémie… Si le monde évolue si rapidement, c’est sans aucun doute parce que la question des injustices systémiques devient un peu plus grand public lors de chaque nouveau mouvement social.
Cependant, cette accélération n’est pas seulement le fait d’individus, seuls ou constitués en ONG, partis politiques ou organismes communautaires. Un autre groupe a -enfin- massivement embarqué dans le train du progrès social et environnemental : les entreprises. C’est ce que nous disent les 4 000 d’entre elles certifiées B-Corp à travers le monde; celles qui ont décidé de se constituer en coopératives ou de se lancer dans l’économie sociale et solidaire. C’est aussi ce dont témoignent les récentes lois qui, au Canada, en France et ailleurs, s’emploient à appliquer le statut de ‘‘société à mission’’, inspiré des Benefit Corporations américaines. C’est enfin le signal que nous a envoyé Yvon Chouinard, lorsqu’il a annoncé avoir transféré l’essentiel de ses parts de Patagonia – donc des profits – à des structures consacrées à la protection de l’environnement.
L’évolution que connaît TUX depuis plusieurs années est à l’image de ces transformations de fond. Notre compagnie a vu le jour en 2012 : comment pourrions-nous appartenir à la génération Alpha et vivre déconnecté.e.s des changements de paradigme en cours?
Si les professionnel.le.s de notre industrie sont privilégié.e.s à de nombreux égards (salaires, avantages sociaux…), iels ne s’en trouvent pas moins ébranlé.e.s par les évolutions en cours – c’est le constat quasi quotidien que je fais dans mon métier. Ici aussi, la crise climatique angoisse et paralyse; le racisme systémique, le patriarcat, les écarts de richesse et l’homophobie révoltent, tandis que le rôle à jouer pour faire sa part déclenche des remises en question. Je n’apprendrai à personne que les ‘‘bullshit jobs’’ ou les emplois ‘‘qui font partie du problème’’ attirent de moins en moins de candidat.e.s. À notre époque révolutionnaire correspond une révolution des attentes envers les entreprises : dans notre secteur aussi, les talents s’attendent à ce que les compagnies soient à la hauteur des enjeux de notre temps.
C’est exactement ce que nous travaillons à mettre en place chez TUX, depuis presque cinq ans maintenant. Nos certifications B-Corp et ÉCOResponsableMC ne représentent que la pointe émergée de l’iceberg. Sous ce dernier, ce sont nos comités ÉcoResponsable, JEDI, Vert et Bénévolat qui, soutenus par la haute direction, s’assurent que nos politiques et pratiques s’améliorent à longueur d’année.
À notre époque révolutionnaire correspond une révolution des attentes envers les entreprises : dans notre secteur aussi, les talents s’attendent à ce que les compagnies soient à la hauteur des enjeux de notre temps.
C’est exactement ce que nous travaillons à mettre en place chez TUX, depuis presque cinq ans maintenant. Nos certifications B-Corp et ÉCOResponsableMC ne représentent que la pointe émergée de l’iceberg. Sous ce dernier, ce sont nos comités ÉcoResponsable, JEDI, Vert et Bénévolat qui, soutenus par la haute direction, s’assurent que nos politiques et pratiques s’améliorent à longueur d’année.
Au-delà des étiquettes et des prises de position publiques, il est nécessaire d’accomplir des changements structurels, qui touchent au fonctionnement même de l’entreprise.
Tout au long de l’année, nous mettons en application le fameux changement de paradigme que B-Corp appelle de ses vœux : ‘‘make business work for everyone’’, que l’on pourrait traduire par ‘‘pour que les affaires profitent à tou.te.s’’. Par exemple…:
- …quand TUX instaure des pratiques inclusives inspirées des Petits Comités. Ces rencontres annuelles en non-mixité permettent aux talents issus de communautés marginalisées et sous-représentées de partager leur vécu au travail en toute confiance et éclairent le comité JEDI sur les choses à améliorer;
- …quand nous décidons d’assurer à nos équipes un meilleur équilibre travail/vie personnelle grâce à la semaine de 4 jours;
- …quand nous finançons une formation de six mois sur la carboneutralité aux membres du Comité Vert pour leur permettre de guider notre transition écologique;
- …ou quand nous nous fixons comme objectif de mettre en place, d’ici 2023, un plan d’équité salariale pour les pigistes racisé.e.s et LGBTQIA2+ avec lesquel.le.s nous travaillons
Au fil des années et avec les progrès réalisés, nous avons constaté que notre mission elle-même avait changé. TUX ne se contente plus d’assurer aux marques de la créativité et du succès :
Désormais, notre mission va plus loin pour tenter d’exercer une influence positive sur la société, en rendant la créativité plus solidaire de celles et ceux qui l’entourent.
Trop longtemps, la solidarité est restée associée au domaine de la bienfaisance et du communautaire. Ce que les partisan.e.s du développement durable prônent depuis plusieurs décennies se révèle pourtant chaque jour un peu plus vrai, un peu plus urgent : le monde des affaires a le devoir de soutenir activement les collectivités locales et de prendre soin de la planète.
Chez TUX, passer de la parole aux actes s’est traduit par l’application d’un des principes clés de la responsabilité socio-environnementale des entreprises : écouter à part égale non seulement les besoins des clients et des actionnaires, mais aussi ceux des talents, des fournisseur.euse.s, des pigistes, des communautés marginalisées autour de nous et de la planète. Pour, ensuite, intégrer le fruit de cette écoute à nos processus de travail, nos produits et services, afin que ceux-ci deviennent toujours plus responsables.
Cette approche a un impact pour tous les métiers présents chez TUX, puisque c’est grâce à elle que… :
- …les stratèges transforment un brief de communication en occasion d’ouvrir une conversation sur la responsabilité sociale chez nos clients. C’est ce que fait actuellement l’équipe en charge de repositionner les pharmacies Brunet, explorant ainsi les possibilités d’approfondir l’implication de l’enseigne au sein de ses communautés
- …les équipes de création assurent une meilleure représentation de communautés marginalisées historiquement exclues des communications de certaines industries, alors même que ces populations comptent parmi leur clientèle. Avec notre client Altitude Sport, par exemple, nous avons pris le parti d’être plus fidèles à la réalité – non, la randonnée pédestre et les sports de plein air en général ne sont pas uniquement pratiqués par des personnes blanches
- …l’équipe de production réfléchit à une rémunération des artistes-influenceurs qui prenne en compte les discriminations systémiques et leurs répercussions sur la valeur de leur travail. Dans ce cas tout particulièrement, c’est même grâce à deux artistes qui ont eu le courage de contester nos grilles tarifaires que nous avons pu progresser – et nous les en remercions;
- …les équipes de gouvernance valident régulièrement de nouvelles pratiques et politiques plus progressistes.
L’objectif d’une créativité « plus solidaire » est donc d’adopter une approche du design, de l’image de marque et des communications qui génère un plus grand impact économique, social et environnemental pour tou.te.s.
Est-ce à dire que nous avons déjà réussi cette transition? Ou que nous sommes irréprochables? Non, évidemment. Même si nous avons amorcé notre travail de déconstruction et de transformation; la route sera encore longue.
Outre le fait qu’un certain nombre de pratiques ‘‘historiques’’ de nos métiers reste à revoir; nous ne nous montrerons jamais aussi rapides que les changements éthiques de notre siècle. De choses considérées hier comme acceptables sont devenues, en quelques années seulement, unanimement perçues comme inadmissibles -et c’est tant mieux. À nous de trouver la meilleure manière de continuer à s’adapter sans céder à la panique ni se retrouver tétanisé.e.s par ce qu’on pourrait faire ou pas, dire ou taire.
C’est toute une culture organisationnelle qui est à inventer -on s’y attèle.