Série – Changer l’entreprise pour changer le monde : Revoir notre mission, prise 2

Dans les 15 dernières années, le monde a changé, très vite. Et en étant bousculé par de violents vents contraires.

Après une magnifique vague progressiste qui a rendu la question des injustices systémiques un peu plus grand-public (pensons aux 99%, à #metoo, aux marches pour le climat, aux soulèvements qui ont suivi les décès de George Floyd et Joyce Echaquan, ou ceux qui ont surgi face à la vague de #AsianHate pendant la pandémie) ; de nombreuses entreprises ont emboîté le pas, pour affirmer que contribuer à la croissance économique au profit d’une poignée d’actionnaires n’était plus suffisant. C’est ce que nous disent les plus de huit mille entreprises certifiées B Corp à travers le monde ; celles qui ont décidé de se constituer en coopératives ou de se lancer dans l’économie sociale et solidaire. C’est aussi ce dont témoignent les lois qui, au Canada, en France et ailleurs, ont dans les dernières années consacré le statut de “société à mission”, inspiré des Benefit Corporations américaines.

En parallèle de ces nécessaires et magnifiques élans, la vague conservatrice s’est levée. Et à l’heure où j’écris ces lignes, de nombreuses grandes entreprises pionnières en matière de justice sociale ont abdiqué.

Des convictions que nous avons en commun avec les talents qui nous choisissent : la crise climatique les angoisse, le racisme systémique, le patriarcat, les écarts de richesse ou l’homophobie les révoltent. Nos équipes attendent de nous que nous continuions notre travail sur nous-mêmes pour transformer l’entreprise. Pas que nous reculions lorsque les « modes » passent.

En 2022, nous écrivions que TUX ne se contentait plus d’assurer aux marques créativité et succès. Notre mission telle que nous la décrivions alors : tenter d’exercer une influence positive sur la société, en rendant la créativité plus solidaire de celles et ceux qui l’entourent.

Cette mission était appuyée sur une évidence : trop longtemps, la solidarité est restée du domaine de la bienfaisance et du communautaire. Alors que les entreprises sont ancrées dans le tissu local, qu’elles sont le poumon économique de nos communautés autant qu’elles dépendent de ces dernières et des ressources naturelles pour exister ; nous savions qu’elles ne pouvaient plus se contenter de prendre ce dont elles ont besoin pour croître, ni d’imposer leur vision ou leur façon de faire.

Au cours des défis rencontrés depuis la rédaction de cette mission initiale ; un double constat s’est imposé. D’abord, étant une petite entreprise, nous n’avons malheureusement pas les moyens d’agir sur tous les fronts. Il nous a fallu choisir une bataille principale, sans abandonner les autres.

Ensuite, notre business étant une affaire d’humains (les talents, celles et ceux que nos campagnes embauchent ou mettent à l’écran), nos efforts se sont naturellement concentrés sur un volet spécifique : la justice, l’équité, la diversité et l’inclusion. En 2024, nous avons traduit ces changements en faisant évoluer notre mission, qui affirme désormais que

Cette approche a un impact sur tous les métiers présents chez TUX :

 

• quand nos stratèges transforment notre modèle de brief afin qu’il soit, à la base, inclusif ;

 

• quand nos équipes de création assurent une meilleure représentation de communautés marginalisées historiquement exclues des communications de certaines industries, alors même qu’elles comptent parmi leur clientèles. Avec notre client Altitude Sport par exemple, nous avons pris le parti d’être plus fidèle à la réalité -non, le hiking et les sports de plein air en général ne sont pas uniquement pratiqués par des personnes blanches ;

 

• lorsque notre équipe de production réfléchit à un système de rémunération des artistes-influenceurs qui prend en compte les discriminations systémiques et leur impact sur la valeur de leur travail. Dans ce cas tout particulièrement, c’est même grâce à deux artistes qui ont eu le courage de questionner nos grilles tarifaires que nous avons pu progresser -et nous les remercions ;

 

• quand nos équipes nous interpellent pour souligner que sur tel projet ou dans telle situation, nous devons faire mieux ;

 

• ou encore quand nous avons, au niveau de la gouvernance, des conversations difficiles mais nécessaires pour nous remettre en question -nous, nos biais et la manière dont tout cela affecte la compagnie.

 

Est-ce à dire que nous avons déjà réussi cette transition ? Ou que nous sommes irréprochables ? Évidemment non. Si nous avons entamé notre travail de déconstruction et de transformation ; la route est encore longue et cahoteuse.

Ce qui faisait consensus comme étant juste et indispensable depuis 2020 et le meurtre de George Floyd, devient aujourd’hui dans certaines bouches une menace démocratique et civilisationnelle. Comment ne pas céder à la panique ou à la colère ?

En continuant de croire que tout ça permettra à notre entreprise de devenir demain socialement meilleure qu’aujourd’hui. Il le faut : c’est le seul chemin possible.